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DE LA BERNARDIE Emile
Né à Uzerche en 1885, Emile Boutet de la Bernardie fit
d’abord des études au Séminaire de Brives. Il prit contact avec la mer à l'âge
de 17 ans, à St Tropez, sous la tutelle d’un officier de Marine de Toulon. Il
débuta sur les grands voiliers comme pilotin en 1904. Il doubla 6 fois le Cap
Horn.
Capitaine
au Long Cours en 1909, il fit sa carrière aux Messageries Maritimes. Il termina
sa carrière maritime à la Maison Denis Frères, à Saigon, où il dirigea
l’armement sur les lignes de cabotages entre Saigon et les ports de la côte.
Frappé vers la cinquantaine d’une surdité inguérissable, il dut tout
abandonner toute carrière active, mais son heureux caractère et sa profonde érudition
jointes à une remarquable modestie, lui permirent une longue retraite, avec
l’amitié des siens et de tous les camarades qui l’ont connu. Il est décédé
à l’âge de 87 ans en 1973.
Il
est élève de la Marine Marchande en juin 1902. Capitaine au Long Cours, B.O.
en 1909 et C.L.C- B.S. en octobre 1902.
Notre
ami compte 15 années de navigation dont 3 années à la voile et 12 à la
vapeur, dont 4 années de guerre au cours desquelles, il fut 2 fois torpillé.
De la Bernardie est titulaire de la Croix de Guerre 1914-1918 (citation à
l’ordre de la Brigade) et de la Médaille de Sauvetage. Le diplôme porte la
mention suivante : «dans la nuit du 1er octobre 1919, s’est porté avec une
baleinière au secours de l’équipage d’une jonque chinoise que le PORTHOS
venait d’aborder et de couper en deux, en pleine nuit au large de Hong Kong.
Après beaucoup de difficultés, et en courant un réel danger, en raison de la
nuit et de l’état de la mer, il a réussi à recueillir les naufragés et à
les amener sains et saufs à bord du paquebot PORTHOS. Le présent diplôme lui
a été délivré afin de perpétrer dans sa famille et au milieu de ses
concitoyens, le souvenir de son courage et de son dévouement.. Paris 6 sept
1920. Signé Paul Bignon»
Ce
que ne dit pas le diplôme, c’est l’accueil reçu par notre camarade de la
part d’un essaim de gentes passagères à son retour à bord, réveillées par
la manœuvre imprévue en pleine nuit, et encore sous le coup de l’émotion,
arrosèrent royalement de champagne le sauveteur !
Torpillage
du MOSSOUL : Parti d’Alexandrie pour Marseille, le MOSSOUL poursuit sa route
escorté par un chalutier et le 21 novembre 1917 à 17 h reçoit une torpille à
tribord devant. Il pique du nez rapidement. Les passagers et l’équipage évacuent
le navire - Pas de blessé à bord. Malheureusement 4 passagers perdant leur
sang froid, se jettent à l’eau et disparaissent. Le navire s’échoue sur
l’île de Pantelleria, et est détruit par un incendie.
Torpillage
du s/s BASQUE (M.M). Le BASQUE quitte Marseille en convoi le 27 décembre 1917
pour une destination inconnue (Salonique) avec 3.500 tonnes de munitions pour
l’armée d’Orient. Voyage d’aller sans incidents. Au retour, en flanc de
convoi ses munitions heureusement débarquées, il est torpillé le 18 février
1918 à 23 h à 40 milles environ à l’ouest nord-ouest de Malte. Atteint par
le milieu, les chaudières explosent. Tout le personnel de quart machine et
chaufferie est tué. Le navire prend de la bande. Il est évacué provisoirement
en sautant directement du pont dans une embarcation qu’un chalutier
d’escorte lui envoie. La bande ne s’accentuant pas, vers 3 heures du matin,
le Commandant Collignon, le second, notre camarade, le chef mécanicien et
quelques hommes de bonne volonté, remontent à bord. Presque aussitôt, un
incendie se déclare, impossible à combattre. En quelques heures, tout est dévoré
par le feu. Entre temps 2 remorqueurs sortent de Malte, le prennent en remorque
et ce qui reste du BASQUE est échoué le 20 février 1918 à 3h 30 mn baie de
St Georges, rade de Marsacires. Le BASQUE est cité à l’ordre de la Brigade,
son Commandant décoré de la Légion d’Honneur et les officiers ainsi que les
hommes qui étaient revenus à bord reçoivent la croix de Guerre. Dès que le
navire peut être mis en cale sèche, les corps des hommes de quart tués dans
le navire, sont récupérés..
Notre
camarade nous relate les 3 incidents de sa carrière de marin qui sont le plus
profondément gravés dans sa mémoire :
«1°
- 3° lieutenant sur le 4-mâts carré TARAPACA, voyage de retour Iquique
Dunkerque :
Nous
sommes ce jour la, fin octobre, début novembre 1906, sous les huniers fixes.
Mer énorme, tempête d’ouest, neige; nous sommes en train de doubler le cap
Horn et vraisemblablement, à peu prés par son travers. Le baromètre
enregistreur descend si rapidement et si bas que l’aiguille est faussée en
dessous du cylindre enregistreur. Mon capitaine, Joseph Bourgain, de si douce mémoire,
nous dit alors : II y a en ce moment un sérieux tremblement de terre pas loin
d’ici. A notre arrivée en France, 75 jours après, nous apprenons l’éruption
de l’Aconcagua et le tremblement de terre qui devait détruire Valparaiso»
2°-
Sur le même TARAPACA, avec le Capitaine Rozé, le 15 avril 1908, par latitude
33°16’sud et 74° 08’W, mer calme, assez forte houle du large ; nous dérivons
sur la côte à une vitesse de 2 nœuds. A midi, on mouille par fond de 75 m :
sable ; roches à 300 m des rochers de la pointe Loros. La première ancre
tribord chasse de 50 brasses environ. Mouillé bâbord et étalé. Notre navire
frôle les rochers. A la tombée du jour, nous constatons la présence sur les
hauteurs de la falaise qui nous surplombe, de nombreux cavaliers aux larges
sombreros, le lasso à l’encolure du cheval. Ils font rouler vers nous des
blocs de rochers. La nuit arrivant des feux s’allument de distance en
distance, sur les mêmes hauteurs, signalant à n’en pas douter, notre fâcheuse
posture. Si nos ancres lâchent, notre compte est bon. A 19 h une petite brise
de terre se lève. Nous virons les 2 ancres. La côte est parée ! Mes notes de
bord finissent par la mention : Dieu soit loué !
3°- Sur le s/s SYDNEY des M.M, au retour de
Madagascar, avril 1917, en Méditerranée par le travers du cap Bon, fraîche
brise de N.W., mer grosse. A bord 1.200 travailleurs malgaches et divers
passagers parmi lesquels, confié à la garde du Commandant d’Armes, l’agent
consulaire d’Allemagne renvoyé en France pour y être interné. Chaque matin,
celui-ci prend une heure de grand air sur le gaillard. Ce beau matin, il est à
son poste habituel, malgré les embruns et la grosse mer. Un coup de roulis
violent le surprend : il tombe à la mer. De quart sur la passerelle aux cris de
un homme à la mer ! ,je lâche la
bouée de sauvetage. Le Commandant arrive, Commandant Cousin si mes souvenirs
sont précis. Nous stoppons. Un Boche à la mer, un de moins ! En route et
fuyons ces parages dangereux ! Tel n’est pas l’avis du Commandant ! A
la jumelle, nous suivons le naufragé. Le gaillard est bon nageur. Il a atteint
la bouée et s’en est capelé. Il fait des signaux désespérés, continue à
nager et se rapproche de nous. Venu en travers à la lame, le SYDNEY roule bord
sur bord, parfois dangereusement. Le Commandant reste calme. On dispose une échelle
de pilote. Le naufragé l’atteint, mais il est à bout de forces ! Deux hommes
du bord descendent l’échelle et lui passent un filin. On le hisse à bord. Il
est sauvé. Le Commandant le reçoit. Le Boche tombe à genoux. Il jure son indéfectible
attachement au Capitaine, aux Français, à la France ! Peut-on être sûr
qu’il n’a pas été un des tortionnaires de Dachau ou autres lieux au
sinistre renom ? »